Dessin d’observation

Dans cette séquence, le dessin d’observation est abordé sous différents aspects dans le but d’en saisir les subtilités et les enjeux. Plusieurs questions motiverons le déroulement de ces séances :

  • En quoi le dessin nous permet de dépasser de ce que l’on croit voir et connaître ?
  • Un dessin d’observation qui ne ressemble pas à son modèle a-t-il une valeur artistique ?
  • En quoi comprendre les mécanismes de la vision nous permet de mieux représenter le monde ?
  • Comment les contraintes graphiques enrichissent notre regard en le focalisant sur un aspect précis du modèle ?

Séance « dessine moi un vélo »

En dessinant un vélo de mémoire dans un premier temps, puis à partir d’un modèle (vélo posé sur une table), l’élève est conduit à se rendre compte de plusieurs aspects essentiels du dessin.

Dans la première partie de la séance, l’élève remarque bien souvent une difficulté insoupçonnée de l’exercice. Le vélo semble être renvoyé au statut d’objet lointain et méconnu. Une question émerge alors : comment se fait-il que je peine à me souvenir de cet objet pourtant si familier ? Cette question amène à distinguer le familier du connu, la vision de l’observation, et à envisager sous un nouveau jour ce que le dessin révèle de notre rapport au monde : il nous amène à constater l’écart entre ce que nous croyons connaître et ce que nous connaissons réellement.

Dans la deuxième partie de la séance, on peut observer que malgré la présence du modèle, le second dessin fait souvent apparaître des proportions aberrantes. Comment expliquer cet écart malgré la présence d’un modèle ? Notre regard n’est pas neutre, il est obscurci par ce que l’on croit voir. Instinctivement, nous faisons des raccourcis entre ce que nous voyons et ce que nous croyons savoir de l’objet observé. Par ce travail, on prend conscience du rôle du dessin comme moyen d’apprendre à observer plutôt que voir. Dans cet exercice, comprendre la logique de l’objet, formaliser par le dessin ce qui est demeuré jusque là intuitif permet de nous éloigner de nos représentations pour mieux comprendre la réalité de l’objet.

Ainsi, on comprend le rôle essentiel du dessin dans les sciences en ce que, au delà d’une simple photographie, il force l’auteur à comprendre ce qu’il à sous les yeux.

Oeuvres

On peut observer ci-dessous des dessins d’observations qui relèvent d’une démarche scientifique.

Extrait d’un entretien réalisé avec Francis Hallé sur France Culture en 2021 a propos du dessin d’observation.

Dans une série d’œuvres intitulée vélocipédia, Gianluca Gimini donne à des dessins de vélo réalisés par des étudiants un aspect réaliste par leur modélisation en 3D. La dimension ludique et surprenante des images produites amène à penser qu’un dessin peut aussi avoir une valeur artistique au delà de son aspect mimétique, c’est à dire de l’imitation pure et simple du réel.

En astronomie, la photographie donne à voir des images inaccessibles à l’œil nu. En compilant des centaines d’images photographiées par l’intermédiaire d’un télescope et à travers des filtres couvrant des longueurs d’ondes hors du spectre visible (ultraviolet, infrarouge), les objets célestes apparaissent de façon grandiose. Cependant, le dessin reste prisé de nombreux astronomes chevronnés. Comment expliquer cette préférence ?

D’abord, le dessin témoigne plus fidèlement d’une observation réelle qu’une photographie. Ainsi, d’après un dessin, on sait ce qu’à pu voir un observateur dans son télescope selon l’instrument et le lieu choisis. Au contraire, une photo témoignera simplement de la masse d’information qu’à pu saisir l’appareil indépendamment de l’observation directe de l’astronome. Enfin, le dessin d’observation conduit, comme nous avons pu l’expérimenter à travers la première séance, à porter une attention et à une analyse plus enrichissante de l’objet céleste observé.

Séance croquis extérieur

En dessinant en extérieur des éléments architecturaux, nous sommes amenés à constater comment notre vision est modelée par la perspective. En comprenant les mécanismes par lesquels nous voyons le monde, nous sommes plus à même d’en maîtriser la représentation.

Séance modèle vivant

Dans cette séance, les tables sont tournées vers un ou plusieurs modèles qui posent durant un temps limité. Les élèves dessinent en s’adaptant à diverses contraintes d’outils et de temps

En dessinant à l’encre de chine avec un pinceau, nous sommes contraints de sortir de notre habitude de dessiner au crayon en représentant les formes par des contours. Par ce biais, l’élève est amené à retenir son attention non plus sur les lignes qui délimitent les corps, mais sur les masses qui le forment. Travailler au pinceau, c’est aussi accepter de restituer un aspect général, sans nécessairement s’arrêter sur des détails. Ainsi, on constate que l’absence de détails n’empêche pas un dessin de pouvoir être considéré comme réussi.

En limitant la pose à des durées très courtes, de deux ou trois minutes, l’élève doit faire des compromis avec l’habitude de vouloir tout représenter. La réduction de la durée est un autre moyen d’éduquer son regard et sa main à être synthétique, mais aussi de comprendre qu’un dessin inachevé peut avoir des qualités artistiques.

Oeuvre et document support
Rembrandt, Jeune femme endormie, XVIIe

Grâce à un esprit synthétique et sélectif, Rembrandt représente une pose de façon aboutie tandis que paradoxalement, le dessin semble quant à lui à peine ébauché.

Marco Bussagli, Comment regarder le dessin, 2012, ed.Hazan

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